Dans une récente décision, la Cour de cassation a rappelé que l’attente présumée des clients d’un magasin d’habillement sur l’apparence physique des vendeuses ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante susceptible de justifier l’interdiction du port du voile islamique.
Contexte : une salariée, vendeuse dans un magasin d’habillement reprend le travail après un congé parental d’éducation. Elle se présente à son poste avec un foulard islamique, que l’employeur lui demande de retirer. L’intéressée ayant refusé, elle est placée en dispense d’activité puis licenciée. Soutenant être victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, elle saisit le juge d’une demande en nullité de ce licenciement.
La cour de cassation lui donne raison en rappelant le principe selon lequel l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur ou note de service une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, cette clause n’étant valable que si elle est générale et indifférenciée et s’applique qu’aux salariés en contact avec les clients.
En l’espèce, aucune clause de neutralité n’était prévue dans le règlement intérieur, ce que l’employeur ne contestait pas mais soutenait que la constance de la politique de neutralité mise en œuvre dans l’entreprise –mettant à l’écart toutes les salariées refusant d’ôter leur foulard – pouvait revêtir la même portée qu’une clause de neutralité ; il soulignait aussi que le Code du travail n’exige pas que la politique de neutralité de l’entreprise s’appuie sur une source formelle.
Position de la cour de cassation : Argument rejeté par la cour d’appel et validé par la Cour de cassation : à défaut de clause de neutralité, l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait donc l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée.
La Cour de cassation rappelle aussi que, selon la CJUE, en l’absence de clause de neutralité, la qualification de discrimination peut être écartée si l’employeur fait la preuve d’une exigence professionnelle et déterminante qui justifierait une interdiction du port du voile. Sont donc écartés les arguments de l’employeur qui s’était placé sur le terrain de l’image de l’entreprise « au regard de l’atteinte à sa politique commerciale », laquelle serait selon lui « susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise » par le port du foulard islamique par les vendeuses. L’employeur faisait donc état des attentes présumées des clients et d’un potentiel préjudice commercial.
Ainsi, la salariée pouvait légitimement refuser d’ôter son foulard et son licenciement est nul car discriminatoire.
Pour en savoir plus : Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-24.079https://www.efl.fr/actualites/social/cessation-du-contrat-de-travail/details.html?ref=f8de72f6c-537f-49dd-a4ca-a12d22bfe0c3&eflNetwaveEmail